Qu’entend-t-on par « gentrification » ? Peut-elle s’avérer « positive » ? En quoi est-elle différente de la « revitalisation urbaine ? À Bruxelles, où et comment ce phénomène s’opère-t-il et avec quelles conséquences ? Retour sur une formation des plus enrichissantes avec Mathieu Van Criekingen, auteur de l’ouvrage Contre la gentrification.
C’est à l’occasion de la parution du livre de Mathieu Van Criekingen, géographe, enseignant et chercheur à l’ULB, intitulé Contre la gentrification (2021 ed. La Dispute) que nous avons proposé le 21 avril dernier une matinée de formation autour du décryptage du concept de gentrification et de ses effets à Bruxelles plus particulièrement.
Après un tour de table, nous avons demandé aux participant·es d’identifier quels étaient, selon elles et eux, les lieux, les places ou les quartiers de Bruxelles qu’ils et elles associent au phénomène de gentrification. Mathieu Van Criekingen a ensuite pris le contre-exemple du quartier des Marolles, souvent considéré comme étant emblématique du phénomène de gentrification à Bruxelles mais qui ne l’est en réalité qu’en apparence puisque ce quartier comporte une grande part d’habitations sociales et par conséquent, d’un pourcentage conséquent d’habitant·es disposant de faibles revenus.
Notre intervenant a commencé son intervention en revenant sur la notion de « gentrification », qui ne présente pas de traduction stricto sensu en français et que l’on pourrait néanmoins traduire littéralement par « embourgeoisement » (le terme est à nuancer).
Le mot « gentrification » est né dès les années 60 de la bouche de la sociologue juive allemande Ruth Glass qui a fui l’Allemagne nazie pour se réfugier à Londres. Elle l’utilisait comme une métaphore pour désigner les phénomènes de changements sociologiques d’une nouvelle arrivée de population plus aisée qui réinvestissait et réaménageait des habitations dans des quartiers ouvriers et populaires de Londres.
Par le biais d’une série de cartes de Bruxelles, Mathieu Van Criekingen a essayé de nous montrer que :
« La gentrification est un concept qui permet de saisir certaines tendances macrosociales à partir de leurs expressions spatiales situées ».
Dit autrement, la gentrification est un concept qui, à partir de transformations très locales, permet d’aborder ce phénomène de manière plus globale (plus « macro »). Le terme de « gentrification » permet donc de mettre un mot sur un certain type de transformations au sein d’une ville, tout en permettant un regard critique sur les changements urbanistiques et sociologiques qui s’y opèrent.
Mathieu Van Criekingen a conclu cette matinée de formation en exprimant la nécessité de revendiquer collectivement le droit à la ville populaire, c’est-à-dire l’amélioration et le renforcement de tout ce qui fait ressource pour les classes dominées dans les quartiers populaires (et au-delà). En effet, la gentrification ne transforme pas la pauvreté en richesse, elle ne fait au contraire que creuser les inégalités entre populations et entre quartiers. Voilà qui est dit !